samedi 18 juillet 2015

CINQ FOIS CINQ
mdjaher khamss khmass
de mostaganem
publié par BELKACEM BELHADJ

C’est l’automne, c’est le temps des fêtes maraboutiques, appelés taam, elles réunissent toutes les factions et les tribus qui se prévalent du ouali en l’honneur de qui la manifestation se déroule. Il y a aussi les mouhibines, sympathisants et amis, qui parfois viennent de loin, de très loin. Après la saison estivale qui voit des étrangers affluer à la ville et encombrer ses artères, on voit, en automne, ces gens venus d’ailleurs pour honorer les oualis. Ils se différencient des autres par leurs apparences et leurs préoccupations. Beaucoup d’entre eux sont là au souk de la tahtaha, le terre-plein du marché et beaucoup suivent attentivement meddah errassoul qui aujourd'hui entame l’épopée des Medjahers, confédération de factions qui entourent la ville. :

Medjahers les valeureux, Medjahers khams ekhmesse, cinq fois cinq, allusion mythique au nombre de tribus composant cette population et qui serait de vingt cinq tribus.

Ils ne sont que partie d’un ensemble humains qui s’étend des confins de l’Ouarsenis aux plages que où allez voir l’immensité salée et les corps dénudés. Ce sont les Ouled Soueid qui comprennent les Flitas, les Medjahers, les Djoutas, les Hassassnas, les R'ofeïrs, les ouled Chafaa, les ouled Malef, les bou Rahmas, les ouled Kamel, les ouled Hamdane, les Maakhis, les Habra. Chacune de ces factions a son histoire, a son épopée et a connu des vicissitudes. N’oublions pas le poète des Soueid, le fameux Be Souiket.

Les ouled Soueid eux-mêmes seraient issus, avec les Mehals, les Akermas et les Cheragas, des Banou Hilal venus de l’Egypte. leurs noms serait celui de leur ancêtre El Mokhtar Ben El Assoued, combattant de la célèbre bataille de Badr, et qui marchait aux côté du prophète avec un étendard noir.

Medjahers, dont beaucoup d’entre vous sont issus, sont cinq grandes factions : les ouled Dani, ouled Chafaa, ouled Malef, ouled Kamel, ouled Ghfiri. Ils habitent dans les agglomérations et les environs de Sidi Lakhdar, de Ain Tedeles, Sidi Khettab, Mesra, Sirat, Bouguirat, Yellel, Ain Nouissi et El Maktaa. hassi mameche mazagran,mostaganem A l’est se trouvent les Hachems issus des Mehals. C'est là tout l'environnement humain indigène de Mostaganem. La part des berbères visible aux noms des lieux reste prépondérante quoique parfaitement intégrée aux tribus.

Medjahers vivent sous la bénédiction de leurs oualias, marabouts, disséminés dans les terres medjahries et qui ont tous la particularité d’être une même famille. Leur père, un pieux docte Sidi Abdellah dont la kouba vous domine de derrière, sur le monticule qui surplombe l'endroit où vous êtes ?

quelques paroles s’élevèrent de-ci de-là et certains doigts indiquèrent aux regards qui n’arrivaient pas à discerner le mausolée, simple carré blanc avec sa coupole peinte en vert. Le meddah dans un geste théâtral resta dans sa posture, une jambe et un bras en avant, le visage dominateur, le turban relevé, le burnous rejeté sur l’épaule, il semblait s’appuyer sur son bâton de l’autre main et marquait le moment d’un silence attendant que la courte récréation qu’il a crée se termine pour faire la tournée des oboles et assurer son revenu avec la baraka des Medjahers.

Après un rapide passage qui s’avéra fructueux, notre homme se convainquit définitivement de l’intérêt qu’il suscitait chez son auditoire. Un sourire de satisfaction courut imperceptiblement sur ses lèvres et il continua :

Sidi Abdellah eut trois enfants, Charef, Adjel et Bendehiba. Ils furent tous des hommes de loi et de religion, ils eurent une notoriété et devinrent des oualis à leurs décès. Sidi Charef eut un enfant Adda El Hadj et Sidi Bendehiba un garçon Larbi qui suivirent le même chemin.

Les marabouts Medjahers ont leurs mausolées respectés et vénérés. Sidi Charef se trouve à Sirat, Sidi Ladjel à côté de Oued El Kheir fief d'une autre zaouia celle des Bellahouel , Sidi Bendehiba à Yanarou, Sidi Adda El Hadj à et Sidi Larbi à Ain Sidi Chérif .

Quant à la zaouia Betekouk qui se situe à quelques kilomètres de Bouguirat dans les ouled Chafaa, c’est à elle seule toute une histoire.

Le meddah retroussa son burnous et plia la traîne sous l'aisselle, il s'arc-bouta sur un côté du cercle, comme à l'aguets, prêt à sauter sur sa proie, le sujet était sensible. Son regard acéré passait en revue ses troupes pour y déceler les adeptes de cette zaouia, au demeurant fort nombreux à Mostaganem. Il se dit que c'était l'occasion de ramasser la menue monnaie en quantité souhaitée. Il jaugeait l'intérêt qui lui était porté et constatait une curiosité remarquable, perceptible au silence que s'est imposé la masse d'habitude si chahuteuse. La journée démarrait bien pour le conteur, il s'élança:

Le fondateur de cette auguste zaouia est le Cheikh Charef Ben Djillali Ben Tekouk El Hassani, lui-même descendant de Sidi Abdellah le patriarche appelé aussi Bou Kabraïne, les deux tombes, parce qu’il est dit que sa sépulture se trouve derrière vous, dans le quartier Matemore comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure et en même temps à Yanarou, à quelques quinze kilomètres de Mostaganem. Mystère des salihines, des saints, mystère d’Allah.



Sidi Charef est né chez les ouled Bou Abssa en 1218 hijri et il a été rappelé à Dieu le 18 de Doul el Hijra 1307, c’est à dire Août 1890. Ce Cheikh eut une destiné plus fabuleuse que ses frères et cousins puisqu’il fit école au-delà des limites des Medjahers, chez les Ghraba, les Zemala, les ouled Mimoun d’Oran et et les Béni Smiel de Tlemcen. Tous venaient à sa zaouia qui a donné d’ailleurs parmi les Torche de mostaganem
Et maintenant je vais vous parler du taam, c'est ce que vous aimez le plus. Les pauvres parce qu'ils y trouveront à manger pendant toute la durée des festivités, les riches parce qu'ils étaleront leurs puissances et leurs générosités, quelques rares medjahers y voient moyen de faire acte de charité et le font en cachette, ménageant la dignité des uns et évitant la convoitise des autres ou bien y vont pour passer des moments mémorables avec leurs cousins qu'ils ne rencontrent qu'une fois l'an dans des conditions de disponibilité, de fête joyeuse, c'est la baraka de l'aïeul.

Les commentaires reprirent, ça et là, des sourires entendus, des gestes esquissés indiquaient que ces taams rappelaient à tous un fait anodin, une aventure, une belle cousine entrevue, la connaissance d'un parent venu pour les circonstances, une belle affaire conclue, un bon souvenir. Le meddah se tut pour ramener à lui les regards et l'attention. Il semblait ne plus s'intéresser à l'auditoire, il marchait d'un pas nonchalant, dans des directions contradictoires, il semblait avoir pris une pause. Au bout d'un court instant, la récréation prit fin mystérieusement, le sérieux revient et le meddah mine de rien, après s'être assuré de son emprise, continua:

Le taam, fête commémorative, de Ben Tekouk est appelée aaraar du nom du genévrier, la plante la plus répandue devant sa kouba. Il réunit tous les Medjahers sous sa bénédiction et donc grande est l’affluence de son taam : chaque tente représente une grande famille, reconnaissable à ses couleurs, l’emplacement est héréditaire et traduit une préséance et une disposition hiérarchique. La fantasia met aux prises les meilleurs cavaliers de l’ouest, les selles étincelantes, les bottes damasquinées, les turbans de soie, les burnous flottant au vent et les armes brandies dans le fond azur des derniers jours de l’été captivent les yeux et ravivent l’émotion, les salves à l’unisson confortent les cœurs et portent au loin de message d’allégresse des Medjahers en liesse. C’est l’occasion des rencontres entre chefs de çof, grandes familles. Les femmes sont aussi de la partie, elles sont dans les tentes et s’occupent de rouler un couscous doré, léger et succulent. Quelques unes, choisies, assistent de loin aux cavalcades et les stimulent par leurs youyous, stridences qui revigorent l’animal et son maître, les poussent aux limites des possibilités physiques et acrobatiques. Taam el aaraar était le plus somptueux, le plus grand, le plus attendu, c’est la communion des khamse ekhmes. Les autres rassemblements aussi étaient beaux, uniques, émouvants, taam Sidi Ladjel, Sidi Bendehiba, Sidi Adda el hadj, Sidi Abdellah, le patriarche, à Yanarou.

Quoique celui de Sidi Ladjel convoque les HenaÏssias, les Ababssas, les Touaoulas, les Beghalils, les Menendas, les ouled Benali ou Reziga, Slamnias, ouled Adda, Rouaïssias, Arabas et les Mekhatrias, le sacre était Ben Tekouk, fédérateur des

Madjahers.

La lumière dorée du soleil couchant ajoutait à la poussière et accentuait la féerie de l'automne, saison des couleurs et des fruits dans notre région. Les murs et les immeubles du fond de la tahataha, du terre-plein, les visages et les habits, tiraient sur un jaune ocre qui rappelait la figue de barbarie, si juteuse et si douce, et le vieil or des ancêtres, ciselé par les siècles et patiné de sagesse. Le meddah s'est arrêté face à ces descendants de medjahers qui ne se reconnaissaient plus et qui étaient entrain de se diluer dans la foule environnante, masse informe, sans projet et sans passé, un présent sans attache et sans futur. Un expédient du quotidien embarrassant.

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