A la faveur des longues guerres dont nous avons esquissé le récit, une partie des Oulad Naïl (les Oulad D'ia et les Oulad Mohammed) quitta la H'ot'ba, le Mebâguen et l'Oued Chaïr, que parcourent actuellement les Oulad Khaled, à l'Est de Bousa'da, et vint campera Aïn er-Rich. Là, se trouvant à proximité des terrains qu'elles convoitaient, ces tribus surent habilement cacher leurs projets sous une affectation d'indifférence : elles attendirent patiemment que la volonté de Dieu suscitât des événements favorables à leur désir d'immigration dans le Zar'ez. Elles suivirent des yeux toutes les phases des combats. Peu leur importait que la victoire se déclarât pour l'un ou l'autre parti : leur bravoure bien connue leur faisait espérer une proie facile. - Certains de profiter bientôt, et des richesses amassées péniblement par le vainqueur, et de ses conquêtes territoriales, les Oulad Naïl assistèrent ainsi à la fuite des Bouaïch, furent moins de la victoire et ensuite de la dispersion si soudaine et si imprévue des ElArbâ, des H'aouâmed, les Oulad Mâd'i et des Seleymya. Le fulminant anathème jeté sur les Sah'âri, par la voix courroucée de Sidi Ben Aliya, leur fournit, enfin, l'occasion de s'implanter dans le pays. Ils s'emparèrent successivement de Bât'en ed-Drouiya, de Bou'aicbaoniya et de Aïn Kah'la, lieux qui longent le versant méridional du Djebel Sah'ari. Les Sah'âri, trompés par les probabilités d'une paix durable, s'étaient depuis longtemps endormis dans leurs triomphes. Réveillés brusquement, mais trop faibles pour résister avec succès à cette force envahissante, ils virent un beau jour les tentes des Oulad Naïl, aux feldja (longue pièce d'étoffe) jaunes-orangés, rayés de bandes noires, pareilles à de nombreux incendies.de hall'a, couronner de leur teinte de lammc toutes les hauteurs; ils virent de riches troupeaux couvrir les plaines et les vallées, puis s'abreuver à leurs sources et les bergers, la lance à la main, les regarder sans effroi. La guerre, mais une guerre d'extermination, menaçait de surgir entre les deux tribus en présence. Les Oulad Naïl, race turbulente et hargneuse, mettaient toujours en avant la raison du plus fort pour dépouiller leurs voisins des pacages à leur convenance. Enfin, ils signifièrent impérieusement à leurs adversaires d'avoir à leur abandonner le Zar'ez afin d'éviter une destruction complète. Les Sah'âri ne voulurent pas plier devant la violence ; mais la fortune ne seconda pas leur héroïsme : ils furent partout vaincus. Alors, Jaisanl taire leur vieille rancune, ils appelèrent à leur aide les Bouaïch, les soudoyèrent largement et leur pro- mirent la restitution de tout ce qu'ils leur avaient enlevé, si., par leur concours, ils sortaient vainqueurs de la lutte. Les Bouaïch, malgré les rudes atteintes portées naguères à leur orgueil excessif, embrassèrent avec joie la querelle des Sah'âri. Les deux goums réunis célébrèrent leur réconciliation clans un splendide tournoi où chacun déploya les preuves de sa vaillance. Les Oulad Naïl aperçurent de loin cet indice d'un combat pro- chain. A la fin de la joule, les deux tribus défilèrent devant eux avec ostentation. Cette bravade sembla n'attirer de leur part qu'une mince attention. Aucune affaire n'eut lieu ce jour-là. Tout se borna de part et d'autre à de vaines démonstrations. Mais, le lendemain, après la prière du point du jour, les Oulad Naïl fondirent sur les Sah'âri et les Bouaïch, et du pre- mier choc les repoussèrent de ta plaine sur les hauteurs. Les alliés se dirigèrent sur l'Oued Melah' par le Faïdja (chemin de crête). Les Oulad Naïl s'acharnèrent après eux et les écrasèrent de nouveau à Aïn Ma'bed (entre le Rocher de Sel et le poste de Zemila). Les Sah'âri, les Bouaïch, trop pressés, môme pour ra- masser leurs morts, se précipitèrent en tumulte dans la vallée de Korirech (entre le Rocher de Sel et Charef), au milieu des tentes des Moui'adat. Ceux-ci, commandés par l'illustre Omar
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ez-Zerdab, s'armèrent â la hâte et se joignirent aux Sah'âri et aux Bouaïch pour refouler l'ennemi commun. Les Oulad Naïl, pareils à un torrent grossi par les pluies d'un long orage (h'amla ïLj^), de tous les versants s'abattirent sur les trois tribus et les chassèrent devant eux, comme des troupeaux inoffensifs, jusqu'à l'Oued M'âdjia, près de Charef. • Les Oulad Naïl, satisfaits pour le moment de l'immense éten- due de terrain qu'ils venaient, de conquérir, suspendirent leur poursuite. Les Bouaïch et les Mouiadat s'installèrent sans être inquiétés dans la vallée de Bab Aïn Messiouda, sur les rives de l'Oued Madjia et à l'extrémité du Zar'ez occidental, habité avant eux par les Haoumed, qui y ont leurs tombeaux. Les Sah'âri rentrèrent dans leurs montagnes. Mais les conquérants se réser- vèrent la partie la plus fertile du Zar'ez, la vallée de Korirech, le Kharza, arrosé par l'Oued Melah et tout le pays compris entre les deux Sebkha. Maîtres de toutes les sorties des montagnes, ils purent détrousser ou rançonner impitoyablement les cara- vanes que le besoin d'e s'approvisionner dans le Tell contrai- gnait de traverser le Zar'ez. Ils continuèrent ce métier, source de bonnes aubaines, jusqu'à l'arrivée desFrançais. — A la même époque, leurs frères, les Oulad Aïssa et les Oulad Sâ'ad Ben Salem, malgré les El-Arb'a, 'débordaient dans les plaines de l'Ouiç'âl, par le Kaf Abd el-Madjid et Amoura. Le Zar'ez, quand s'y montrèrent les Oulad Naïl, était le re- paire de tous les coupeurs de route. Les autruches et les gazelles rompaient seules la monotonie de ses vastes plaines aux pâtu- rages regardés comme plantureux dans le Sud. Les caravanes bien serrées ne s'y dissimulaient qu'en louvoyant toujours, qu'en se rejetant sans bassedanses les (dépressions de,terrain). Les tribus osaient à peine s'y aventurer. Les tentes des Sah'âri, rangées avec méfiance en ligne circulaire (i^):au fond des gorges, confondaient leur sombre couleur de fumée avec la profonde verdure' des pins. Lorsque l'herbe était rare dans les contrées environnantes, les bergers, nombreux et bien, armés, se décidaient pourtant à y circuler avec leur troupeaux ; mais, alors, des goums imposants battaient le pays dans tous les sens'. En outre, des vedettes aux yeux perçants sondaient continuellement les alentours, et, à la moindre apparition suspecte, vite les troupeaux s'évanouissaient dans les dunes ou disparaissaient dans l'intérieur des montagnes. Rien ne trahissait bientôt plus les craintives populations, qu'une longue fumée blanche se tordant en spirale dans les airs après s'être échappée de cols inaccessibles ou de sommités rocheuses. Au milieu du 18esiècle, le célèbre prophète du Sud, Sid el- Hadj Aïssa el-Ar'ouat'i, prédisait les malheurs que l'avenir allait déchaîner sur le Zar'ez. Les Arabes, avec leur imagination com- plaisante, n'ont pas manqué de lire dans ce spécimen du lyrisme •africain les événements dont le Zar'ez a été le théâtre jusqu'à nos jours : « Que ton visage est de mauvais augure, ô Zar'ez ! malgré la verdure de ton printemps éternel ! Le berger qui amène ses troupeaux dans les riantes prairies ne recueillera que les afflic- tions. » L'imprudent qui se repose dans ton sein aux mille couleurs, y dormira d'un sommeil sans lin. Vos pères n'onl-ils pas pleuré le malheurs du Zar'ez avec de longs cris de douleur ? » Voyez ces deux réunions de tentes 1leurs troupeaux mar- chaient ensemble depuis leur dernier campement. Elles les ont. perdus à Der'ima. » Le repos que Dieu donne et les pâturages, partout, ailleurs, sont copieux et abondants. Je consulte mes amis : tous refusent d'y laisser brouter leurs troupeaux. » Hélas 1 l'herbe et les fleurs caressent toute contrée impré- gnée de déceptions. Arrivez ! arrivez donc, si vous l'osez ! vos pères se sont affaissés sous les calamités de ce pays. » Que tes eaux et tes prairies sont de mauvais augure, ô Zar'ez! O Arabes ! que vos troupeaux ne goûtent pas à l'herbe du Zar'ez, car ses plantes maudites conduisent à la perdition! Quand même seriez-vous au nombre de mille chevaux, l'arrêt, que Dieu a prononcé est inébranlable. » Ah! voici des événements terribles! d'épais bataillons de soldats noirs vont l'assaillir (les Français)..... Si encore les Meh'aoucha (Zenakhra de Bour'ar) y dressaient leur tentes bien
.alignées.
« Les Arabes des El.-Abha n'y montrent 'jamais leurs troupeaux... 1« Voici deux ans que je vois et vous indique, fils de chiens ! l'herbe de malheur et les angoisses attachées à ce pays ré- prouvé. Mais, non ! ils ne veulent, pas s'en éloigner ! Je jure par les serments les plus sacrés que ses habitants en sorti- ront aussi nus que l'étranger dépouillé qui s'en va dans des contrées lointaines regagner les biens qu'il a perdus ! « O tribus! si vous fréquentez encore ces pâturages,, vous serez toutes égorgées par le couteau. Le moment s'approche où une armée de deux mille étriers s'y développera. Le poison de la poudre s'enflammera dans des combats qui feront apparaître les désastres jusqu'alors cachés dans les décrets de Dieu. Un tiers prendra la direction du Nord, un tiers s'étendra vers l'Est, un tiers récoltera le butin (Combat d'Ain Malakoff pendant la dernière insurrection). « Les Béni Naïl quitteront ces contrées en fuyant. Riches autrefois, ils se vêtiront de peau de boucs, sans jamais rencontrer de cœurs compatissants. Les voilà déjà à Ah'meur Kbeddou (cercle de Biskra) où ils empruntent pour vivre. « Ne me traitez pas de menteur, car mon ceil voit tout ce qu'il annonce. « Ah! évitez le Zar'ez, Dieu le prescrit, ô Arabes, quand mêmes ses arbustes et ses plantes seraient chargés de feuilles et de fruits d'argent. . « Je vous eu prie au nom de Dieu miséricordieux ! éloi- gnez-vous du Zar'ez 1 le nuage de poussière y cèle dés em- bûches : ses habitants sont des gens perfides. Ceux-là seuls qui en seront loin seront garantis de l'adversité. « Evitez le Zar'ez, ô Arabes! Dieu l'a commandé. Ne vous y attardez pas après le déclin du jour, car le matin, vous vous lèveriez nus et entourés des frissons de l'agonie. « Voici le couchant qui y pousse avec furie ses soldats. « La honte habite le Djebel Mechentel (Djebel Sahâri) et en coule à gros bouillons. Insensés! de Zedjadfa des cohortes compactes viendront y combattre. Les étendards frémiront dans la voix retentissante et les éclats répétés des fusils (épisodes de la dernière insurrection). Ceci est un décret que Dieu, puissant, unique, fait couler par ma bouche. « Les amis se trahiront et deviendront ennemis : le frère meurtri expirera sous les coups de son frère, et ils s'aimaient! (pendant la dernière insurrection, ceux des Oulad Naïl qui. nous étaient demeurés fidèles, furent attaqués par leurs frères révoltés. C'est dans un de ces combats que fut tué leur Bach Agha, Si Chérif ben El-Ahrech, par son parent et son ami, dit-on). « Viendra un temps, oui, viendra un temps, où la langue doutera des dents qui la font parler, où le coeur se méfiera des.poumons, où la laine prendra de la valeur, où le lin se vendra à bas prix (pour indiquer un homme riche, on disait : un tel a des vêtements de lin) et où toutes les réu- nions de tentes se changeront en villes! où la coiffure du chrétien et la chachia du musulman se confondront, où le pauvre comme le riche montera à cheval, où le riche deviendra pauvre à son tour. Je le jure sur le mariage de Mabrôuka (femme de Sidi El-Hadj Aïssa) nous nous fatiguerons à marcher dans la plaine de l'Oued el-llamar (affluent de l'Oued Djedi). » Cependant les Oulad Naïl, las de la paix., tiers de leur force, agacés par ces lentes ennemies qui interceptaient leur horizon, se levèrent une autre fois contre les Sahâri, les Bouaïch et les Mouiadat. Ces tribus ne demandaient, du reste, que la guerre. Depuis que les Oulad Naïl les avaient soumises à la dure nécessité de se contenter de pâturages très-restreinls, de contempler sans pouvoir en jouir les grasses prairies du Zar'ez, qui fleurissaient et se déployaient sous leurs yeux avec tout le luxe de jardins, elles avaient senti chaque jour leur fureur s'augmenter. Le l'eu de la guerre, attisé par une longue haine, se ralluma plus vivace que jamais. Les alliés, à la réouverture des hostilités, étaient concentrés sur les bords de l'oued Hadjia. La victoire fut longtemps dis- putée; mais enfin les trois tribus, débordées de toutes parts, succombèrent cl les Oulad Naïl s'approprièrent leurs moissons. Le nombre des morts fut toujours ignoré. Un chantre s'écria :( Voyez l'intrépidité des Oulad Naïl ! ils ont dit. aux tribus : Evacuez le Zar'ez, laissez le Zar'ez solitaire de vos per- sonnes, car nous le désirons pour nous; pour nous ses fleurs aux brillantes corolles sont aussi belles que le chameau qui voudrait toujours guider le berger attentif. Les Oulad Naïl sont des héros cl nul n'osera le leur venir disputer. » Au premier abord, un observateur ordinaire serait à juste raison alarmé de l'outrecuidance de ces éloges en faveur d'une plaine sablonneuse. En rapportant l'histoire des Oulad Naïl nous expliquerons plus tard la passion du Saharien pour ce vaste bassin. Les alliés étaient dans la consternation Les Bouaich se dérobèrent à la hâte à une déroute irréparable. De l'oued Touil, ils revinrent dans l'Est et s'arrêtèrent au Kaf el-Kbider (Guelt es-S'et'el), près des Oulad Sidi Aïssa el-Ahdàh. Deux ravins y portent encore le nom de leurs chefs, Bou Maza et Adhim. Les Mouïadat en désarroi se retireront à Soumguida et à Aïn Rérab, près des Oulad A'ïad de Teniet el-Ihad. Toutefois, quel- ques-unes de leurs tentes furent tolérées par les vainqueurs dans la vallée de Korirech. Dès-lors, les Oulad Naïl, craints et respectés, s'étalèrent à leur aise dans tout le Zar'ez. Les Bouaich humiliés s'inclinèrent devant eux, et leurs troupeaux, moyennant un léger tribut, purent s'introduire dans le Zar'ez. Assis sur les rochers du Djebel Khider, leurs yeux erraient dans les blondes ilexuo- sités de cet immense réceptacle des eaux, et sa vue réveillait leur convoitise et leurs regrets. Les Oulad Naïl surprirent leurs regards avides. Effrayée de leurs menaces, cette malheureuse tribu s'exila au Nord de Aïn bou Sif, pays alors presque dé- sert et dont quelques rares tentes des Oulad Allan occupaient parfois les points culminants. Les Oulad Naïl voulurent leur enlever tout espoir de se rapprocher du Zar'ez. Au milieu d'une nuit épaisse, les deux tribus se heurtèrent à Aïn Bou Sif et l'acharnement fut tel, dit la tradition, que les instruments de morts devinrent, dans la main des combattants, pareils à l'é- clair fulgurant qui se dégage de la tempête. Ahmed ben Sada, de la tribu des Oulad Abd cl-Kader (Oulad Naïl), fut tué en luttant corps à corps contre les deux chefs de Bouaich, Se- rah'zah et Khaled ben Ah'cen, qui furent immolés par le héros expirant. Les Bouaich culbutés, anéantis, ne s'exposèrent plus dans la suite à l'animosilé des Oulad Naïl. Au commencement de ce siècle, les quelques tentes des Mouiadat encore égarées dans la vallée de Korirech, disparu- rent à leur tour d'un pays où la sécurité n'existait, plus pour eux. Lors de l'invasion du Zar'ez par les Oulad Naïl, les Draba (Jo!j^) peuplaient le Djebel Sendjas. Un impôt annuel d'un mouton par maison leur fut imposé par les conquérants. Ils refusèrent de le payer et furent expulsés de leurs montagnes. Leur Ksar, H'ammam Dakhlani (dans l'intérieur de la mon- tagne), Guerguiz à l'Ouest d'El H'ammam, Feknouna sur le Gada, ou plateau, Sidi Daoud, El-Djedid à Khaneg et Teurfa (gorge des tamaris), El-Kolia près du Teniet ben Toumi, Tarech, furent démolis. Le village situé à Khaneg el'-Ar'ar élait partagé en trois quartiers : Draba, Tamda et Aiâl. Il doit sa ruine au fait sui- vant : Les hommes jouaient au sig (espèce de jeu de jonchets) et les femmes épiloguaient entre elles et s'adressaient des discours épigrammatiques . Une querelle naquit rapidement ; des propos acres on passa aux bâtons, des bâtons aux pierres, des pierres aux armes de fer. Ils entre-égorgent tous et la partie féminine de la population s'entre dechira. Il ne survécut qu'un chien ci deux vieilles (sic), l'une des Tamda et l'autre des Aiat. Le chien appelé 'Ar'ar, en reconnaissance des soins dont il ne cessait d'être l'objet, les gardait, prévenait avec intelligence leurs moindres désirs. Malgré son attachement, l'une des mégères le tua. L'autre vieille s'élance sur la meurtrière et bientôt toutes deux tombèrent inanimées sur le cadavre du chien, qui donna son nom à la gorge. Entre la Sebkha de l'Ouest et le Sendjas, des amas de pierres attestent encore l'existence d'un Ksar appartenant aussi aux Draba. Ces ruines sont connues sous le nom de Makh'oula, qui était celui d'une femme à laquelle les habitants accordaient
les honneurs de reine et de prophétise. Elle était douée d'une telle vue que l'atome le plus intactile, le corpuscule le plus insaisissable (traduction très-libre du mot très-petite mite), ne pouvait se soustraire à son regard. Un jour, elle s'alita, gravement malade à la suite d'un accouchement pénible. Les incrédules, —redoutable variété de l'espèce humaine, — la crurent désormais incapable de veiller, comme auparavant, sur le Ksar et s'apitoyaient sur ses souffrances. «Hélas ! leur répondit-elle, ma vue s'est bien affaiblie, cependant je distingue sur la Gada du Sendjas, la tête d'une perdrix et l'arme du chasseur qui va la tuer. O Draba ! prenez garde à vos troupeaux ! » Ils tournèrent les yeux par un reste d'habitude et ne virent rien, ils se mirent à rire et s'écrièrent: « Décidément ton esprit épuisé se laisse jouer par la folie. » Elle continua sans remarquer leurs railleries : « Je vois dans les nues l'oeil aigu du merengues (le plus noble des faucons). Je vois là-bas, là-bas, dans la plaine, reluire au soleil les crins <le la queue d'une jument noire. Je vois sur les roches du Khider la prunelle dilatée de l'hyène des Draba! prenez garde à vous! » Ils la traitèrent d'extravagante. Le soleil était à peine couché que des bandes de cavaliers et de fantassins s'accumulaient autour de la ville. Les habitants fermèrent leurs portes. Il était trop tard. Les -Oulad Mahammed (Oulad Naïl) saccagèrent le Ksar. Le massacre dura huit jours ; \ ce qui resta d'habitants se réfugia à Tagucnfas cercle de Bou R'ar. Après le combat si décisif de l'Oued Hadjia, les Sah'âri, trop resserrés dans leurs montagnes, s'étaient disjoints. Les Sah'âri Oulad Sidi Younôs, subdivisés en cinq fractions, avaient dressé leurs tentes dans le Djebel Béni Yagoub (entre Tad'mit, 'Amra, Charef et Zinina.) Les Sah'âri Oulad Maien bcn-Ali et les Oulad Bedran ben-Ali s'étaient expatriés clans les Ziban; les Oulad Khamk ou ben-Ali dans les environs de Tit'efi et les Oulad Amâra ben-Ali dans le cercle, de Bou Sada. La famille des Oulad Kaccr s'était réunie aux Oulad el- R'ouini (Oulad Naïl).
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Les Sah'âri Oulad Ibrahim avaient choisi les âpres rochers du Djebel Sendjas, où, du temps de Sidi Mahammed ben-Aliya résidaient déjà deux de leurs fractions, les Oulad Daoud et les Oulad Tabet. La discorde divisait un jour ces deux fractions. Le tumulte était grand ; le sang était près de couler, quand apparut su- bitement Sidi Mahammed ben-Aliya (« Eh ! quoi ! leur cria-t- il, ne pouvez-vous un instant maîtriser vos sentiments batailleurs grâce à mes prières, vous avez joui jusqu'ici d'un bien- être parfait. Au lieu de dépenser votre force clans des conflits inutiles, réservez-là donc pour le moment où les goums affa- més de la R'azia, plus nombreux que les nuées de Gala (1) et de Koudri du Zar'ez, désoleront vos montagnes. » Mais ces fractions, animées l'une contre l'autre de tout ce que les passions peuvent mettre de fureur dans le coeur humain, s'ob- stinèrent à ne pas écouter les paroles de conciliation du marabout. Elles s'oublièrent môme jusqu'à lui dire: Qui es-tu? de quel droit te mêles-tu de nos affaires. ? nous permettons aux femmes de croire à ta sainteté, mais quant à nous nous n'avons que faire de tes remontrances. » L'homme de Dieu, indigné de leurs blasphèmes, arracha des flancs de la montagne un énorme rocher que cent individus robustes n'auraient pas pu même ébranler. A l'aspect de ce prodige, les combattants sen- tirent leurs armes glisser de leurs mains tremblantes; ils se prosternèrent aux pieds du saint en implorant son pardon. Mais le marabout, soulevant au-dessus de leurs têtes la roche colossale, entre ses mains plus légère que le grain de sénevé de l'Écriture, leur cria d'une voix qui passa en frémissant sur tout le Zar'ez. « Ce n'est pas chez vous non plus, race cynique, que le bien peut trouver sa place; mon dessein était d'abord d'ensevelir vos inimitiés sous cette pierre et votre âme perverse s'y est opposée. Gens dévoués au malheur ! je vous abandonne dès ce moment à votre démence ; mais souvenez-vous que la prospérité s'est pour jamais éloignée de vous. Vous chercherez maintenant votre nourriture dans les branches du genévrier aux fruits amers. Votre bonheur cesse d'exister... je l'enfouis sous ce rocher il dit, et le bloc de granit retomba sur le sol où il s'enfonça lourdement. Toutes les tentatives des Sah'âri pour relever la pesante masse restèrent infructueuses, et ce baccifôre continue, depuis lors, à nourrir des sesbaies les plus pauvres familles Les Sah'âri Oulad Ibrahim d'humeur plus vagabonde que leurs frères, les Sah'âri el-Alaïa tirent leur principale ressource de la fabrication du goudron. On sait que le goudron est, dans le Sah'ara, le remède spécifique des maladies prurigineuses, chez le chameau surtout. Le caractère des Sah'âri el-Ataia fut ainsi dépeint par Sidi ben-Àliya : Les Oulad Rached ressemblent à la selle revêtue de son ma- roquin rouge ; l'extérieur est séduisant, mais le dessous, mal confectionné; occasionne des blessures,
Les Bedada sont comme les copeaux inégaux de la planche dégrossie par le ciseau du menuisier. Les Yahyat, dans leur confusion, ressemblent au mélange désordonné des faussilles enfermées dans un tellis. Les Oulad Saïd vont, viennent, pleurent Depuis le jour où la malédiction divine, sur l'invocation de Sidi Mahammed ben-Aliya, s'était appesantie sur les Sah'âri, celle tribu, ce souffre-douleur, étreinte dans un cercle ennemi, subissant la flétrissure jetée au vaincu par un vainqueur implacable, ne cessa d'être pillée, dépacée par les Oulad Naïl. Elle arriva à un tel état de misère que le gouvernement Turc toujours progressif et peu scrupuleux dans ses moyens de perception, fut obligé do ramollir en sa faveur son insafiabililé. Le bey de Titeri n'exigea plus qu'un cheval, plutôt comme signe de vassalité, que comme contribution; lorsque ce présent était beau et bien reçu, le Caïd et les principales tentes qui l'avaient acheté pouvaient se faire rembourser le prix d'achat en prélevant sur le reste de la tribu un mouton par lente. Cet impôt, malgré son exiguité, au commencement de ce siècle, était déjà trop onéreux; les Sah'âri refusèrent de le payer. Le bey de Tileri lâcha sur ces réfractaires les Oulad el-R'ouini, les Oulad Si Ahmed et les Oulad Oum Hani. Ces trois tribus makhzen des Oulad Naïl, toujours âpres à la curée, ne leur laissèrent même pas le plus petit lambeau de tente pour s'abriter contre l'intempérie de l'air. Les plus maltraités, les Reddada et les Yahyat, s'enfuirent dans toutes les directions, entraînant avec eux une partie des autres frac- tions. Les Oulad Naïl s'emparèrent de leur territoire, depuis l'Oued Melah jusqu'à Hadjia. 11 y a quelques années, ces tentes ambulantes furent enfin réunies par les soins de l'autorité, et, el-Mida (Cercle d'Aumale) leur fut assigné pour lieu de campement. Ahmed ben-Guetaf ben-Khebizat leur fut. donné comme Caïd, et elles prirent le nom de Sah'âri Khebizat. Dans le courant de l'année 1856 on les fit rentrer dans le Djebel Sah'âri. Puisque l'histoire ethnographique des tribus de Djelfa est, comme celle de l'enfance de presque de tous les peuples, liée étroitement aux légendes, il nous faut, donc revenir, à défaut d'autre point de repère, à Sidi Mahammed ben-Aliya. Dans cette partie du Djebel Sah'âri qui s'étend de l'Est à l'Ouest, depuis les gorges de l'Oued Medjel et le marais-de Aïn Kabla, jusqu'à la vallée de Gaïga, vivent les Oulad ben-Aliya dont les traditions apocryphes, mais populaires, n'ont encore rien de bien attrayant, ni de bien gracieux. Les Turcs, grâce à la haute réputation de leur fondateur, Sidi Mahammed ben-Aliya, et surtout pour ne pas froisser les croyances reli- gieuses du pays, les exemptèrent de tout impôt pendant le temps de leur domination. Sidi Mahammed ben-Aliya, d'après de savants généalogistes, tels que Sid Ahmed ben-Mohammed ben es-Sahel, Sid Ma- hammed ben-Àhmed bon cl-Hadj ben el-Arbi et Tounci el Kadri, Sid Aïssa ben el-Hadj el-Andalouci el-Faci, Sid Abd es-Selam ben Yahya et-Tadlaouy, Sid Abd er-Rah'man ben el- Akhd'ari ech-Chabani, Sid Mohammed ben-Akhris el-Meknaci, Sic! Abd er-Rah'man ben Ali et-Touali, compte parmi ses aïeux Sidi Abd el-Kader ben Moussa el-Djelani, et est par conséquent chérif. Sid Ahmed ben. Ibrahim sortit de Bardad, accompagné de sestreize frères. Il parcourut l'Afrique septentrionale et devint avec ses frères l'origine de la véritable noblesse (Cheurfa). Après maints voyages à Tlemccn, à Fez, à Oudjda, à Maroc où, malgré son ascendant, depuissantes collusions le harcelèrent, il fut tué à As'mil dans les environs de S'tidj, par des soldats secondés des Oulad Haçan. Abd-el-Kader, l'un de ses enfants, eut de son mariage avec Meriem bent Rah'âl de la tribu -des Sahari; deux fils : .Khemouikhem et Mahammed. Klicmouikhem fut mis à mort par les Sahari. Quant à Mahammed., un séjour de sept ans chez une vieille femme des Bouaich, Aliya, lui fit donner le nom de cette mère adoplive, Ben Aliya. Il se maria à Maroc. De retour dans le Djebel Mechenlel, il répandit tant d'abondance dans ces montagnes auparavant stériles, -corrigea tant d'abus, opéra tant de prodiges, que les populations s'empressèrent de se ranger sous son anaya (protection.) Les Sah'âri, les Bouaich, les El-Arba et d'autres tribus, lui apportèrent de continuelles Ziara. La guerre qui régna entre les Bouaich et les Sah'âri, grâce à son appui, se termina en faveur de ceux-ci, ses plus dévots serviteurs. Ses deux-femmes lui donnèrent huit enfants. De Zineb, il eut: Ameur, Mabarek, Mohammed, Sahya et El- Hadj, destinés à être la souche des fractions des Oulad ben Aliya.DeFatma,il eût: Aissa, Rabah, Yahya, morts sans descen- dance par suite de la juste colère de leur père contre eux. Ces trois, enfants de Falma se préparaient à remplir un silo de blé. Leur père descendit au fond de la fosse. Tout-à-coup, une méchante idée pénétra dans leur esprit. Ils versèrent tout le grain sur la tête du vieillard surpris et se mirent follement à danser autour du trou pour l'empêcher de remonter. Mais le Saint sortit par un autre endroit et les voua ainsi à l'exécra- tion : Enfants d'esclaves ! votre infamie mourra avec vous.—Ce silo, profonde excavation formée par l'écoulement des eaux pluviales, est à 20 kilomètres environ au Nord-Est de Djelfa, sur les bords de la route carrosable qui aboutit à Gaïga. Il est l'asile des pigeons de tous les alentours et porte le nom de Bir el-Hamam. La vue rendue aux aveugles, l'ouïe aux sourds, une abondante chevelure aux têtes dégarnies, la puissance aux impuissants, d'incroyables miracles, punitions et bienfaits, dont ce marabout sema tout le cours de son existence, justifient l'éclatante opinion que les populations avaient conçue de son crédit auprès de Dieu. Sa popularité, loin de subir des accrocs en traversant les siècles, n'a fait que croître et embellir en exagération. Com- me le récit de tous les actes de son omnipotence nous entraîne- rait trop loin, nous nous bornerons à relater succinctement ceux qui ont quelque rapport avec l'histoire du pays. Ce saint homme, à dessein, s'était égaré dans le Sah'ara. Ses compagnons, Sidi Zîan, Sidi Mahammed el-Saïh et Sidi Nadji, comme lui dévots personnages et créateurs de tribus, mouraient de soif. Sidi ben Aliya frappa le sol de son bâton et il en jaillit une source qui existe encore de nos jours sous le nom de Mengoub (Puits en forme d'entonnoir,). A l'époque où vivait cet Ouàli, des Berbères, fuyant l'Ouest, passèrent sous les murs d'El-Ar'ouat dont ils ne purent s'emparer et s'enfoncèrent dans l'Oued Mezab. Sidi ben Aliya se rendit au milieu d'eux. En se séparant d'eux, il leur dit pour les récompenser de leur courtoisie réception : des goums fondront sur vous avec rapidité, mais ils se retireront avec plus de rapidité encore. Depuis ces paroles, jamais les tribus qui les entourent n'ont pu, malgré leurs fréquentes irruptions, assujettir les Béni Mezab, ou les contraindre à quitter leur Chebkat (collines entrelacées en forme de filet). Par reconnaissance, ces hétérodoxes lui ont élevé une H'aouïta à Argoub. Il n'eut qu'un mot à dire, et une femme stérile procréa. Le nom de l'enfant, Dit es-Selougui prolongement des vertèbres dorsales du lévrier), est encore aujourd'hui le sobriquet des Oulad Mimoun ou Mouamin chez les Sah'âri,
Sidi Aissa ben Mohammed, mis en demeure par notre saint de s'exprimer sur ce qu'il affectionnait le plus, répondit à tout hasard qu'il aimait beaucoup les choses, de ce monde et celles de l'autre aussi, La terre s'entrouvit à Tamezlit par un ordre de Sidi ben Aliya et son ami chargea deux chameaux des richesses qu'elle dégorgeait. Dieu prodigue ses biens à ceux qui font voeu d'être siens, il ne faut pas en douter. Ce Sidi Aissa est la souche des Oulad Sidi Aissa Ahel el-Gotfa (du cercle d'Aumale), et le Zar'ez lui est redevable d'une source d'eau douce située, comme un îlot, dans les eaux salées de la Scbkha occidentale. Le tombeau de Sidi Bôuzid avait, ainsi que ses vertus, son nom et sa réputation, disparu sous la terre. L'Ouali le fit reparaître et rappela ce saint à la dévotion capricieuse des peuples. La garde en fut par lui confiée aux Oulad Kacer. Sidi Nadji se lamentait des ardeurs du soleil. Sidi ben Aliya déracina les pins du Djebel H'ariga (montagne du Djebel Sahari) et les planta à Berouaguia (route de Médéa à Bou R'ai"), pays dénué alors de toute végétation cl où, depuis ce jour, cet arbre fut appelé Zek'ouk'ia ben Aliya. Pareille libéralité eut lieu en faveur de Sidi F'arh'âl. Des forêts entières couvrirent le sol de Bou R'ar à Aïn Tlata, Un parti des Oulad Mansour el-Mâdi dévalisa les Oulad ben Aliya de leurs troupeaux. Le marabout poursuivit, seul les impies qui avaient atteint, quand il les rejoignit, le milieu de la Sebkha orientale. Tout d'un coup, les eaux se changent en une boue épaisse et le goum criminel est englouti jusqu'au dernier. Ce gué reçut le nom de Fercha (Lit) des Oulad Mansour el-Madi. Les Oulad ben Alia, depuis lors, furent toujours respectés de leurs acrimonieux voisins et garantis des confla- grations obscures qui agitèrent la contrée. Sidi Mobarek de Koléa eut un jour la féroce fantaisie d'avaler le serviteur de Sidi ben Aliya. Notre redresseur de torts à la nouvelle de cet affront, chargea sur son dos le Djebel Mena, (montagne du Djebel Sah'âri) et vola à Koléa pour écraser le coupable. Le cannibale entendit la voix tonnante de son col- lègue en sainteté, il entendit le fracas des roches s'entrechoquant dans leur course précipitée Mais, ù surprise! malgré ses con- tractions musculaires les plus laborieuses et les plus désespérées, Sidi Mobarck ne put rendre à la lumière celui que, dans son appétit monstrueux et irréfléchi, il avait si imprudemment avalé au mépris du droit des gens. Il baissa la tête tout honteux et pleura d'une voix pitoyable. Le Saint du Sah'ara, fort attendri à l'aspect de cet embarras gastrique, prit entre son pouce et son index le long nez de son ennemi, puis après l'avoir rude- ment secoué, le tira malicieusement à lui. Aussitôt le serviteur glissa avec bruit des fosses nasales de Sidi Mobarek, tout hu- mide et tout étonné du chemin qu'il avait parcouru. Sidi ben Aliya remit les montagnes sur sesépaules et rentra dans le Sah'ara. Avant de mourir, Sidi ben Aliya avait fixé pour emplacement de sa sépulture R'erizem el-Hot'ob (butte à 4 kilomètres Est de Mesran avec ruines romaines de peu d'importance.) Mais la chamelle qui portait son corps dans un alt'ouch (palanquin) amblait du côté de Temad, sans que ni cris, ni coups pussent la détourner de son chemin. On se soumit avec piété à la nou- velle décision du Marabout el il fut enlcrré à Temad (Djebel Sah'âri). Il paraîtrait que des bandes d'animaux carnassiers ravageaient aulrefois le Djebel Sah'âri. Il y a à peine un siècle, El-Hadj Ibra- him des Ouled ben Aliya, en purgea la contrée. Cet homme élait doué d'une puissance de muscles extraordinaire. Bien souvent on le vit se battre corps à,corps avec des lions et des panthères. Sans le flatter, disait Si Cherif ben el-Ahreuch,des -de sources digne Oulad Naïl, qui le tenait de son père, il tua 200 lions, 354 panthères, 223 mouflons à manchettes, 183 autruches. Il abandon- nait à ses lévriers, l'hyène, le chacal, le guépard, le lynx, le sanglier, les gazelles ; il fabriquait lui-même sa poudre. — Un' jour qu'il dormait sur une montagne, un lion s'approcha de lui pour le flairer. Le chasseur ouvrit les yeux; à son regard seul l'animal ' reconnut El-Hadj Ibrahim. Il fit un bond en arrière. Ah ! lu as peur de moi? lui cria le Nemrod ? le lion, humilié de ce reproche se ramassa pour l'attaquer. La balle du fusil à mèche d'El-Hadj l'empêcha de se relever. — Le fusil à pierre, n'est connu des Sah'âri que depuis El-Hadj Abd el Kader.Semblable imprudence arriva à une hyène. J'aurais pensé, lui cria le chasseur, qu'un lion seul aurait l'effronterie de me provoquer. Il atteignit la couarde et imprudente bêle qui fuyait et d'un horion lui démantibula le crâne. Une autre fois, il ren- contra un énorme lion à crinière noire que, dans leur effroi, les tribus avaient surnommé Bou Ch'egag, parceque, lorsqu'il s'agriffail à la terre, de profondes gerçures (chegag) témoignaient à l'instant de sa fureur. Le combat ne fut pas long. El-Hadj Ibra- him, tenant à prouver à son ennemi qu'il était plus que lui redoutable, jeta ses armes, reçut, sans fléchir, son choc en pleine poitrine, et, comprimant son cou entre ses doigts de fer, l'élouffa d'un seul effort. A la suite de cet exploit, les lions vinrent timidement ramper à ses pieds et le supplièrent de ne pas s'opposer à leur départ de la contrée. Il y consentit. Les lions se reléguèrent à Takdimet (Takdemt) et les panthères dans le Dira. Ils ne font plus que des apparitions de plus en plus rares dans le Djebel Sah'âri. La gazelle de montagne (ledmi), le mouflon à man- chettes fcchlal, quand il est adulte et el-aroui, quand il est jeune : femelle mâle), continuent de fréquenter les sommets dénudés, et les sangliers les chênaies de Bestamia et du Sendjas. On confond souvent le Djebel Sah'âri avec cette chaîne de grès et.de calcaires, qui, sous les noms de Khider, Seb'a rous (sept pitons) et Sendjas, sedresse comme un rideau devant le Tell de la province d'Alger et lui dérobe le Zar'ez. Le véritable Djebel Sah'âri est celui où stationnent les Oulad ben Aliya, les Sah'âri el-At:aïa, les Sah'âri Khebizat et les Oulad Sidi Younès. Son sol est d'une remarquable fertilité dans les val. lées de l'oued Medjdel, Gaïga, Bestama, Oued Melah, Korirech, Oued Hadjia et celles du Djebel béni Yagoub. Des massifs crétacés du Béni Yagoub, Senn el-Leba, Bestama et ben Aliya, s'échappent des eaux intarissables qui alimentent les rivières ;et les sources : à leur base, l'éau se trouve seulement à quelques métrés de la croûte .du sol. A l'ouest, du coté de Charef, l'oued Hadjïa, la fontaine-du Ksar, celle d'el Khad'rra,
sources revue africain Revue Afr., 101-'année, n° 55. 3
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